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Les Trabucayres étaient des bandits de grands chemins au 19e siècle. Ils attaquaient et détroussaient les diligences sur la route de Perpignan à Barcelone. Anciens soldats déchus de l’armée Carliste, ils étaient violents et sans pitié.

En 1840, à la mort de Ferdinand VII, Don Carlos voulut mettre en place la loi salique en Espagne afin de pouvoir régner à la place de la Régente Marie-Christine. Une guerre sans merci se livra entre les partisans de Don Carlos, les carlistes et les partisans de la Régente, les Christinos.
Des pilleurs de l’armée carliste terrorisèrent le Vallespir, de là naquirent les Trabucayres, ainsi nommés, car ils étaient armés de trabucs (tromblons). Ces bandits avaient établi leur quartier général à Las Illas, en raison de sa proximité avec la frontière espagnole et de leur habitude de la contrebande.

L’attaque de la diligence

Le 24 février 1845, ils élaborèrent un plan pour attaquer la diligence de Perpignan roulant vers Barcelona. Le lendemain, à la nuit tombante, treize hommes quittaient Las Illas en direction de Gerona. Trois jours plus tard, vers 10 heures du soir, la diligence qui traversait un bois situé entre Gérona et Tordéra, fut arrêtée par un cri retentissant dans la nuit silencieuse « Halto ! »
La voiture s’arrêta et les bandits, armés jusqu’aux dents, firent descendre tous les voyageurs, les firent asseoir par terre en cercle, leur intimant l’ordre de jeter au milieu tout ce qu’ils possédaient sur eux sous peine d’être fusillés sur-le-champ.
Après avoir brutalisé les deux officiers espagnols qui faisaient partie de la diligence et les femmes, les bandits choisirent trois hommes qu’ils mirent à part et qu’ils ligotèrent : Don Ballber de Gérona, âgé de 70 ans, Roger, banquier à Figueras, et Jean Massot, 16 ans, étudiant originaire de Darnius.
Insensibles et même agacés par les supplications de Mme Massot, ils emmenèrent à travers bois leurs trois prisonniers.
Deux jours de marche étaient nécessaires pour regagner leur point de départ.
Le lendemain, Don Ballber, accablé de fatigue, se laissa tomber dans la neige.
Au cours d’une altercation avec des soldats et gendarmes, Roger tenta de s’échapper et trouva la mort, une balle dans la nuque.
Après ces affrontements, les bandits se divisèrent en deux groupes : l’un partit vers Coustouges, l’autre, avec Massot, partit se réfugier dans la grotte de Bassagoda; nous étions le 1er avril 1845.

La rançon

De cette grotte, Massot écrivit de nombreuses lettres à sa mère afin de la convaincre de payer les 65 000 francs de rançon. Mais la malheureuse mère ne disposait pas de cette somme et les Trabucayres ne daignèrent pas répondre à ces tentatives de négociation.
Pendant ce temps, un plan d’attaque fut mis en place des deux côtés des Pyrénées pour prendre les bandits dans un étau.
Ces derniers, prévenus par « Nas Ratat », un de leurs fidèles receleurs, ils décidèrent de se réfugier au Mas de l’Aloy à Cortsavi. Mais avant de partir, il fallait se débarrasser du prisonnier qui les gênait et qui ne leur apporterait aucune rançon.
C’est le Trabucayre Matheu, dit « Xicolate », le sanguinaire, qui se chargea de l’assassinat. Il se rendit à la grotte de Bassagoda, accompagné de deux compères, armé de « son coutelas à cran d’arrêt muni d’un bout de lame à double tranchant ». C’était le 1er mai 1845.

Le Mas de l’Aloy

Le lendemain, les bandits arrivèrent à Cortsavi à 3 heures du matin. Ils se faisaient passer auprès du fermier de l’Aloy pour des jeunes gens voulant passer la frontière.
Le 5 mai, les gendarmes et les douaniers d’Arles-sur-Tech, prévenus, cernèrent le Mas de l’Aloy. À la sommation qui leur fut faite de se rendre, certains bandits tentèrent de s’échapper. Des coups de feu partirent. Michel Bosch fut mortellement touché. Il demanda à se confesser avant de mourir. Quand la chose fut faite, le prêtre s’écria en passant devant les prisonniers : « Gardez-les bien, ce sont des scélérats ! »
Les bandits furent conduits à la prison de Céret.
Le lendemain, un jeune berger du Mas de l’Aloy, Joseph Courdomy, découvrît dans le foin un panier dans lequel se trouvaient deux oreilles. C’étaient celles de Massot, que Xicolate avait coupées. Cette macabre découverte servit de pièce à conviction durant le procès.

le procès

Les Trabucayres furent transférés de Céret à la prison Sainte Claire à Perpignan et leur procès dura un an. Quatre accusés furent condamnés à mort, dont deux à Céret, Jean Simon dit Coll Suspins, dit Tocabens, le chef, et Joseph Balme dit Sagals. Deux à Perpignan, Jérôme Icazes dit Llaurens, et Joseph Matheu dit Xicolate.
Les autres furent condamnés à des années de travaux forcés ou de réclusion criminelle et à l’exposition publique.
Les quatre bandits furent exécutés fin juin 1846. Après s’être repentis, ils moururent donc guillotinés.
Joseph Balme s’écria en montant sur l’échafaud : « Viva Don Carlos, viva religion, yo mori carli ! »

Dès lors, le département des Pyrénées-Orientales recouvra sa tranquillité d’antan.

Source : Jean RIBE